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L’aide humanitaire pourra entrer à Gaza

La décision d’Israël d’autoriser cette opération fait suite aux pressions de Joe Biden, mais l’aide ne pourra franchir la frontière qu’à partir de l’Égypte

FLORENCE MORIN-MARTEL

L’annonce d’Israël mercredi autorisant l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza depuis l’Égypte représente une « première concession » de la part de l’État hébreu dans le conflit qui a fait jusqu’à présent des milliers de morts, estiment deux experts.

Le président américain, Joe Biden, a affirmé mercredi que son homologue égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, avait « accepté » de « laisser jusqu’à 20 camions traverser » la frontière pour acheminer de l’aide humanitaire à Gaza. Il a ajouté que ces véhicules ne sont potentiellement qu’un début, en indiquant que l’entrée d’un second convoi dépendrait aussi de « comment se passe » la distribution des ressources.

La décision d’Israël d’autoriser cette opération a été prise à la demande de M. Biden en visite à Tel-Aviv mercredi,

a expliqué le cabinet du premier ministre israélien Benjamin Nétanyahou. Ce dernier avait décrété le 9 octobre dernier un siège strict à Gaza, privant ainsi ce territoire d’approvisionnement en eau, en nourriture et en électricité.

Au douzième jour de la guerre déclenchée par l’attaque du Hamas le 7 octobre dernier, près de 3500 personnes ont été tuées à Gaza et plus de 1400 personnes ont péri en Israël, selon les autorités locales respectives.

Le bureau de M. Nétanyahou a soutenu qu’il « n’empêchera pas l’aide humanitaire depuis l’Égypte tant qu’il s’agit de nourriture, d’eau et de médicaments pour la population civile dans le sud de la bande de Gaza ». « Tout approvisionnement qui arrivera au Hamas sera neutralisé », a-t-il averti.

Israël ne permettra cependant aucune aide humanitaire à partir de son sol vers Gaza, sans libération des otages qui y sont retenus par le mouvement islamiste palestinien. Le Hamas affirme détenir entre « 200 et 250 » captifs.

L’autorisation d’acheminement de l’aide humanitaire par l’Égypte représente un « changement de cap » pour Israël, soutient François Audet, directeur de l’Institut d’études internationales de Montréal de l’UQAM. « Ça prenait le président américain pour avoir cette influence et cette approche diplomatique humanitaire. »

Lors de sa visite, M. Biden a annoncé qu’il demanderait « cette semaine » au Congrès une aide « sans précédent » pour l’allié israélien, à qui il a suggéré de ne pas répéter les « erreurs » faites par les États-Unis après les attentats du 11 septembre 2001, motivées par la « colère ».

L’aide dirigée vers Gaza représente une « première concession » de l’État hébreu dans ce conflit, estime Benjamin Toubol, doctorant au Département de science politique de l’Université Laval. Il soulève que cette décision survient au lendemain du bombardement de l’hôpital Ahli Arab au centre de Gaza. Cet événement a d’ailleurs été au centre du voyage de M. Biden, qui venait au départ dans ce pays pour manifester son soutien à Israël.

Accusations mutuelles

Si le Hamas attribue à Israël ce tir sur un établissement hospitalier, l’armée de l’État hébreu affirme plutôt que le Djihad islamique palestinien en est responsable. M. Biden a soutenu la version des autorités israéliennes qui imputent le bombardement à cette autre organisation armée présente dans la bande de Gaza.

« Sur la base des informations que nous avons eues jusqu’à maintenant, il semble que [la frappe] soit le résultat d’une roquette hors de contrôle tirée par un groupe terroriste à Gaza », a dit le président américain.

Le ministère de la Santé du Hamas, au pouvoir à Gaza, estime que le bilan de ce raid s’élève à « au moins 471 morts ». Or, un responsable d’un service de renseignement européen a plutôt affirmé mercredi à l’Agence France-Presse (AFP) qu’il s’agirait « de quelques dizaines, vraisemblablement entre 10 et 50 » personnes tuées.

« Israël n’a probablement pas fait ça », a ajouté cette source, d’après les « pistes sérieuses » de renseignement dont ses services disposent.

Le Dr Ghassan Abu-Sittah, de l’ONG Médecins sans frontières, a qualifié la frappe de « massacre ». « Nous étions en train d’opérer dans l’hôpital, il y a eu une forte explosion et le plafond est tombé sur la salle d’opération », a-t-il relaté, dans une déclaration écrite.

Dans une vidéo authentifiée par l’AFP, on voit des flammes s’élever dans la nuit de ce qui semble être la cour d’un bâtiment. Dans l’enceinte de l’hôpital Ahli Arab, un photographe de l’agence de presse a vu mercredi des véhicules carbonisés, des débris jonchant le sol et une ambulance détruite avec le nom de l’hôpital.

Benjamin Toubol est d’avis que la tenue d’une enquête de la part d’une organisation neutre, comme les Nations unies, sera nécessaire pour faire la lumière sur cet événement. « Mais en temps de guerre et tant que la zone est sous contrôle du Hamas ça va être difficile », ajoute-t-il.

Manifestations à travers le monde

Ça prenait le président américain pour avoir cette influence et cette approche diplomatique humanitaire

Mercredi, au moins une centaine de manifestants ont occupé un bâtiment du Congrès américain pour réclamer des élus et de l’administration Biden qu’ils fassent pression pour un cessez-le-feu à Gaza. La police du Capitole a interpellé bon nombre de protestataires.

Dans plusieurs pays, des manifestants sont descendus dans la rue mardi et mercredi afin d’exprimer leur colère après le bombardement de l’hôpital à Gaza. Des rassemblements ont eu lieu à Amman en Jordanie, à Tunis en Tunisie et à Beyrouth au Liban. En Turquie, près de 80 000 personnes se sont réunies mardi soir devant le consulat d’Israël à Istanbul, selon les autorités.

Des Palestiniens ont aussi manifesté en Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967, aux cris de « Libérez, libérez la Palestine ».

La tension est forte aussi à la frontière avec le Liban, où les échanges de tirs sont quotidiens entre l’armée israélienne et le Hezbollah libanais, ainsi qu’en Cisjordanie, où au moins 61 Palestiniens ont été tués depuis le 7 octobre, selon les autorités locales.

Selon M. Toubol, la frappe de l’établissement hospitalier est un « catalyseur pour les protestations dans les pays arabes ». Le doctorant craint la propagation de violence dans ces pays, mais aussi ailleurs, comme en Amérique du Nord ou en France. « C’est un conflit qui s’exporte malheureusement pour de multiples raisons, dont les deux diasporas qui sont assez présentes [à travers le monde], surtout au Canada. » »

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2023-10-19T07:00:00.0000000Z

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